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CYRANETTE

gris assez foncé et pommelée de petits nuages blancs.

« — Liette, je vous en prie, assez ! me disait ce pauvre Robert. Vous êtes une désobéissante petite femme.

« — Oh ! non, darling, mais laissez-moi regarder encore un peu !

« Une vraie féerie, ce spectacle, ma chérie, et je ne pouvais m’en rassasier. Des fusées s’élevaient, bleues, jaunes, vertes ou rouges. Et puis il y eut des étoiles filantes et des espèces de chenilles volantes, tout comme chez Ruggieri. Des signaux d’avions, m’expliquait Robert. Les escadrilles de la défense évoluaient au-dessus de nous, les gothas aussi probablement et les torpilles allaient pleuvoir.

« — Rentrez, Liette ! il faut tirer les volets ! On entend des moteurs.

« — Oui, tout de suite. Plus qu’un petit coup d’œil, le dernier.

« Je parlais encore, quand un fracas épouvantable me coupe le souffle. Robert m’arrache de la fenêtre, la referme et me tient dans ses bras.

« — Ils nous bombardent, darling ! Ils nous bombardent !

« — Oui, mon âme, mais ne criez pas, ce n’est rien.

« N’empêche que la torpille était tombée tout près de chez nous, rue de Tolbiac, sur une maison qu’elle détruisit aux trois quarts, comme je m’en suis rendu compte ce matin. Certainement, à vol d’oiseau, la distance n’excède pas cinq cents mètres. Dans le jour, quand tout est rentré en ordre, et que l’on se transporte à pied d’un point à l’autre, ça fait l’effet d’être assez loin, cinq cents mètres. Mais la nuit, avec la vitesse des avions et la puissance de ces engins-là, on a l’impression de tout recevoir sur la tête, quand ils éclatent dans le voisinage.

« — Juliette, tu vas te rendre malade à vouloir