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CYRANETTE

de mettre le nez à la fenêtre ? Les feux d’artifices, tu sais, ç’a toujours été mon fort et, avant la guerre, à Chambéry, je n’en ratais pas un.

« — Yvonne, dis-je, est-ce qu’on ne pourrait pas entr’ouvrir les volets ! Ça doit être si curieux à contempler, un ciel de bataille !

« — Il y aurait danger à le faire.

« — Pas plus qu’à nous tenir dans ton salon.

« — Si, parce que les batteries contre avions tirent à shrapnells au-dessus de Paris même, et que les éclats retombent un peu partout. La dernière fois, j’en ai ramassé un sur le balcon.

« Mais je n’y tenais plus, et Robert a eu beau s’en mêler et déclarer que c’était parfaitement insensé — perfectly foolish, indeed ! — il a dû mettre les pouces.

« — Soufflons la lampe, alors ! a soupiré Yvonne.

« Aussitôt dit, aussitôt fait. Puis Robert pousse un peu les volets et regarde le premier. Que se passe-t-il ? Pourquoi ne me laisse-t-il pas regarder aussi ? Je suis obligée de le supplier.

« — Laissez-moi voir, darling ! Juste un coup d’œil.

« Il y consent enfin et, enlacés, nous nous penchons sur le balcon, dans l’entrebâillement des volets. Que c’était beau, Nise ! De la fenêtre où nous nous tenions, on commande tout le secteur est de la ville, du nord au sud. Et des fenêtres qui s’ouvrent par derrière et où, après, nous sommes allés voir aussi, c’est l’autre moitié de Paris que l’on embrasse, depuis le Sacré-Cœur jusqu’au clocher de Saint-Pierre de Montrouge. Or, on tirait de partout à la fois et le ciel fourmillait de jolis éclatements qui s’allumaient, palpitaient et s’éteignaient comme des étoiles. Puis, soudain, les projecteurs se démasquèrent. Leurs grandes tentacules rigides, groupées en faisceaux, s’écartaient et se rapprochaient brusquement pour fouiller la nue, qui était d’un