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CYRANETTE

une cave où, sous ses six étages, il n’y a pas grand’chose à craindre.

« Elle appelle la bonne, une brave Lannionaise, pas très dégourdie, et lente à s’émouvoir comme à se mouvoir.

« — Fermez le compteur, Francine. Puis vous prendrez la lampe Pigeon pour conduire monsieur et madame à la cave.

« — Et toi, Yvonne ? Tu ne descends pas ?

« — Mon Dieu non.

« — Pourquoi, chère madame ? lui demande Robert.

« — Oh ! une idée à moi et comme une superstition. Mon mari se bat, je veux prendre ma part de risques.

« — Mais, madame, riposte Robert, quand votre mari peut se mettre à couvert, il le fait assurément, comme je le faisais moi-même, sans fausse honte.

« — Peut-être, mais, je vous en prie, n’insistez pas.

« — Au moins, lui dis-je, as-tu une Nénette et un Rintintin ?

« — Oui, me répond-elle sans rire et elle nous montre un médaillon contenant deux miniatures : le portrait de son mari et celui de sa mère.

« Cependant, l’alerte se propage rapidement, bouleversant le quartier dont tous les chiens gémissent ou hurlent. Les locataires du sixième dégringolent déjà l’escalier. Et Francine, qui nous a plongés dans les ténèbres en éteignant le gaz, tarde à reparaître avec sa lampe Pigeon qu’elle est allée chercher à la cuisine. Yvonne va l’y relancer. J’en profite pour dire à Robert :

« — Est-ce que nous allons descendre sans elle, darling ?

« Il m’a pris dans ses bras, car je tremblais un peu. Et c’était très doux d’être enlacés ainsi, en pleine obscurité, tandis que la sirène ululait diaboliquement et que l’affolement régnait dans la maison.