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CYRANETTE

sœurs on n’est pas tenu comme entre fiancés de ne pas dire tout ce qui nous passe par la tête.

« Ma chérie,

« Dieu que j’ai eu peur !

« Figure-toi…

« Mais n’anticipons pas, comme disait la sagace Mlle Adélaïde, à la pension. Tu te rappelles, et quelle drôle de bouche elle faisait en articulant cela ?

« Je commence donc par le commencement. Et d’abord un mot de notre voyage. Il s’est bien passé, malgré l’encombrement des gares, la fréquence des arrêts et les formidables retards des trains sur les lignes du P.-L.-M. Dans notre express à nous, il n’y avait pas trop de monde. On ne va guère à Paris en ce moment-ci. On le quitterait plutôt comme tant de paniquards — vilaine engeance que j’abhorre — et comme tant de familles auxquelles je ne saurais reprocher de vouloir mettre leur progéniture à l’abri. Les enfants, Nise, c’est l’espoir de la race, c’est la France de demain. Il ne devrait pas en rester un seul dans la zone où sévissent les grosses berthas et les ignobles gothas. Mais les vieux froussards qui ne songent qu’à se défiler, si j’étais du gouvernement, je les ferais boucler dans les catacombes et les y laisserais au pain et à l’eau jusqu’à la fin des hostilités. De cette façon, ils n’iraient pas démoraliser la province.

« Je t’avais dit notre intention de descendre chez Yvonne Teissier — aujourd’hui Mme Le Bail. À la bonne heure ! Elle est fidèle au poste, elle, au moins, et nous l’avons trouvée qui nous attendait à la gare.

« L’avenue Reille, où elle habite au cinquième étage d’une grande maison de rapport, longe le bas du parc de Montsouris — un joli parc, tu sais, dans le genre du parc de Lemenc — et se coude à angle obtus vers la rue d’Alésia, que prolonge la rue de Tolbiac. L’appartement, bien disposé, clair,