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CYRANETTE

VIII

Dans le Midi, Liette n’a pas tenu sa promesse d’écrire à Nise. Mais il ne s’agit plus d’un faux départ, cette fois. Robert et elle se sont mis en route pour de bon et quand reviendront-ils ? Bien téméraire qui prétendrait répondre à cette question par le temps qui court. Elle l’a dit : tout dépend du maréchal Foch et de ses armées. S’il boute le Boche au delà du Rhin et qu’un Dieu de clémence ramène enfin la paix parmi les hommes de bonne volonté, il ne sera sans doute plus besoin de passeport pour se rendre de France en Angleterre et vice versa. Par malheur, on n’en est pas encore là, fin de mai 1918.

Où va-t-on ? Chacun se le demande, Liette comme tout le monde, quoique en toute sérénité. Car si quelqu’un ne « s’en fait pas », c’est bien elle. Et elle a raison. Qu’arriverait-il s’il n’y avait que de ces broyeurs de noir qui, l’oreille tendue au grondement sourd du canon et l’œil hypnotisé par les cartes où des épingles jalonnent l’avance allemande, ne savent plus à quel saint se vouer et doutent de tout, même d’un miracle renouvelé de celui de la première Marne ? On ne mourrait peut-être pas sous la botte ennemie, mais à coup sûr on mourrait d’appréhension. Et ce n’est pas la peine vraiment ! Ne vaut-il pas mieux avoir confiance en un chef comme Foch et en des hommes comme ses poilus ?

Donc Liette se garde bien de se laisser aller au désespoir. Et voici la première lettre que Nise reçoit d’elle, une longue lettre datée de Paris et bâclée à la diable, parce que la vie d’une jeune mariée n’est qu’une fièvre et aussi parce qu’entre