Page:Sevestre - Cyranette, 1920.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
CYRANETTE

Moins emballé, son flegme national le lui interdit, Mr. Wellstone paraît un peu déçu. Oh ! très peu, si peu même que ses beaux-parents ne s’aperçoivent de rien. Mais quelque aiguë que puisse être la clairvoyance d’un père et d’une mère, elle ne saurait se comparer à l’espèce de don de divination qui est propre aux cœurs en mal d’amour. Et cette imperceptible nuance n’échappe pas à Nise comme à M. et Mme Daliot.

— Mon Dieu, déjà ! se dit-elle.

Mais non. Elle veut s’être trompée. Robert ne peut brûler si vite ce qu’il adore et, à défaut de constance, sa loyauté seule lui interdirait de se détacher de Liette avant d’avoir tout fait pour la comprendre et lui mettre un grain de sagesse dans la tête. Cependant, si ce n’est pas cela, c’est autre chose, Car il y a quelque chose, quelque chose qu’il est difficile d’analyser, encore plus de définir, et qui ressemble à un premier et vague désenchantement. En ce cas, le devoir de Nise est tout indiqué. Il ne faut pas que Robert puisse refaire certaines comparaisons qui, peut-être, n’ont pas tourné à l’avantage de Liette. Il ne faut pas, de toute nécessité, que Nise ait à se reprocher d’avoir été cause d’une mésintelligence susceptible de désunir le jeune ménage. Et, prétextant une violente migraine, elle garde la chambre afin de ne plus échanger avec Mr. Wellstone qu’un mot banal au moment des adieux.

Cela fait, elle n’est pas très rassurée encore et la première prière qui du cœur lui monte aux lèvres quand elle s’agenouille, le soir, sur son prie-Dieu, est pour appeler les grâces d’en haut sur sa sœur et son beau-frère :

— Soyez tout à Liette, ô Robert ! Et toi, Liette, sois toute à lui ! Vous avez toute la vie pour vous étudier, vous comprendre, vous aimer. Puissiez-vous y réussir et vous, mon Dieu, aidez-les-y ! aidez-les-y !