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CYRANETTE

y tenait tant de place ! Et qui occupera jamais celle que Robert, en quelques soirées, a su s’y faire ? Lorsqu’on s’y retrouvait réunis, après les longues et sentimentales promenades de la journée et qu’elle bruissait des fredons et des caquets de Liette, c’était comme un coin de paradis terrestre. À présent, c’est comme un désert où Nise erre à l’abandon, quêtant, tristement des souvenirs qui n’allègent pas sa peine.

Ici, dans ce fauteuil, Robert goûtait la poésie de l’heure quand elle s’était mise au piano pour accompagner Liette qui lui voulait chanter le Temps des cerises.

Quand nous chanterons le temps des cerises,
Et gai rossignol, et merle moqueur
Seront tous en fête !

Hélas, le poète a raison. Les poètes ont toujours raison qui nous rappellent que toute vie, comme toute gloire, passe et tombe, éphémère.

Mais il est bien court, le temps des cerises,
Où l’on s’en va deux, cueillir en rêvant
Des pendants d’oreilles…
Cerises d’amour aux roses pareilles,
Tombant sous la feuille en gouttes de sang…
Mais il est bien court, le temps des cerises,
Pendants de corail qu’on cueille en rêvant.

Ce qui est long, en revanche, pour Nise, ce sont les huit jours du voyage de noces. Ils prennent fin pourtant et, comme il était convenu, les nouveaux mariés repassent par Chambéry.

De leur brève tournée dans le Midi, — brève à leur sens, il va sans dire, — ils rapportent, semble-t-il, des impressions assez contradictoires. La jeune Mrs Wellstone, très en verve, plus enjouée que jamais, s’est prodigieusement amusée de tout ce qu’elle a vu et entendu dans les trains, dans les hôtels, sur la Corniche et ailleurs. Et quand elle entreprend de raconter tout cela aux siens, c’est un babil intarissable.