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CYRANETTE

— Mais, Liette, tu vas nous jeter dans un ravin ! se récriait Mme Daliot, peu disposée à courir le risque d’un capotage.

— N’aie pas peur, maman, répondait Liette, entre deux inquiétantes embardées que la poigne experte de Mr. Wellstone s’arrangeait heureusement pour rendre inoffensives. Je t’assure, il n’y a aucun danger.

— Tu en disais autant du patinage.

— Oui, mais Robert n’était pas là. N’est-ce pas, darling ? N’est-ce pas que, si vous aviez été là, vous ne m’auriez pas laissé bousculer par ce stupide lycéen ?

D’autres fois, on se contentait de prendre le train, puis d’aller à pied par les chemins de la montagne. Mais, au bout de trois ou quatre jours, Mme Daliot et M. Daliot lui-même, qu’exténuaient ces marches forcées, avaient dû demander grâce, et les jeunes gens ne s’en plaignaient pas.

— On est bien plus tranquille comme cela, opinait Liette.

Robert pensait peut-être de même et il n’était pas jusqu’à Nise qui ne s’accommodât assez bien de ces sorties à trois.

Mr. Wellstone, en effet, ne se croyait plus tenu de ne lui marquer qu’une courtoisie banale. Doucement, la glace fondait entre eux, comme elle s’était brisée tout de suite entre Liette et lui. L’harmonie qui régnait dans leurs idées et leurs sentiments les engageait à de longs entretiens où certaine étournette de fiancée ne trouvait guère à se mêler, car ils portaient exclusivement sur des sujets intellectuels qui n’étaient pas de son ressort comme les caquetages où elle excellait. Elle en éprouvait bien quelque agacement, mais sans le faire voir, parce que ces échanges de vues sur l’art, la science ou la religion ne tiraient pas à conséquence et qu’il n’était pas mauvais que Robert se fit une haute opinion de la culture de la famille.

Cependant, Mr. Wellstone s’y complaisait peut-être un peu trop, à ces entretiens-là. Et sans négli-