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CYRANETTE

« tralala » ; cette cérémonie dépouillée de toute mise en scène et comme escamotée, quelles souffrances ne lui ont-ils pas épargnées ? Si donc, en les voulant tels quels. Liette ne songeait pas seulement à se singulariser, si une pensée compatissante l’engageait à rendre moins cruel le supplice de Nise, il se peut que, par ailleurs, elle ait beaucoup péché, cette bonne pensée, on devra lui en tenir compte, et il lui sera beaucoup pardonné.

Hélas, pourquoi ses meilleurs élans s’arrêtent-ils court ? Pourquoi est-elle si étourdie, si sujette aux réflexions inconsidérées ? Grisée par sa fortune, pourquoi, sur le point de partir en voyage de noces, a-t-elle fait encore de la peine à Nise en laissant échapper ce mot malheureux :

— Ne trouves-tu pas, chérie, que cela ressemble à un enlèvement ?

Avant leur mariage, durant les huit jours que Robert a passés à Chambéry, les fiancés avaient déjà pu prendre comme un avant-goût de leur lune de miel. Le matin, il n’était plus besoin de secouer Liette pour qu’elle sautât du lit. Debout la première, c’était elle qui se chargeait de sonner le branle-bas dès qu’un rayon de soleil, filtrant de biais à travers les jalousies, faisait danser au coin de la chambre d’agiles corpuscules d’or. Car le soleil se montrait bon prince : jamais mois de mai n’avait prodigué plus de tiédeur précoce à la terre, décapelé si tôt de leurs capuches de neige le Revard et le Nivolet, métamorphosé si vite la vallée en un immense bouquet de merisiers et d’acacias en fleurs. Et telle était l’attirance de ce beau temps et de cette belle campagne, qu’il fallait partir dare dare avec ou sans M. et Mme Daliot, mais toujours avec Nise, dont la mère joignait ses instances à celles des fiancés pour qu’elle les accompagnât dans leurs randonnées d’excursionnistes infatigables.

Robert, parfois affrétait une auto qu’il conduisait lui-même et dont Liette, quand on était loin de la ville, prétendait apprendre à tenir le volant