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CYRANETTE

la première visite officielle de Georges agréé comme fiancé, ç’avait été son premier envoi de fleurs blanches, une gerbe de muguets dont Germaine, en toilette rose, avait détaché un brin pour le piquer à son corsage. Ce soir-là, pour la première fois, elle lui tendait la main en le remerciant de son bouquet et il profitait de la circonstance pour lui remettre une bague toute simple, ornée seulement de quelques perles. On dînait entre intimes, les fiancés réunis au bout de la table, et, huit jours plus tard, l’invitation était rendue, dans les règles, par la famille du fiancé, Germaine prenait place entre son futur beau-père, côté gauche, et Georges, côté droit.

À partir de ce moment, lui, Georges, pouvait et devait la venir voir chaque jour, en présence de la maman de Germaine qui dirigeait la conversation, s’associait aux projets d’avenir des jeunes gens et, avec une délicatesse infinie, sous ombre d’un ordre à donner, de quelque détail domestique à régler, s’arrangeait pour leur ménager un instant de tête-à-tête au salon, dont la porte restait entr’ouverte. L’intimité, ainsi, s’établissait progressivement, sans heurts ni à-coups. On s’était dit d’abord : « monsieur » et « mademoiselle ». Puis : « monsieur Georges » et « mademoiselle Germaine ». Maintenant, on se disait : « Georges » et « Germaine » tout court et l’on n’avait pas l’impression que ce fût osé ou déplacé, tant c’était venu naturellement. Le fiancé ne se départait pas encore de toute réserve d’ailleurs, loin de là. Bien que son couvert fût toujours mis chez sa nouvelle famille, il n’abusait pas de ce privilège et se conduisait en garçon bien élevé et non en pique-assiette. Vers le milieu des fiançailles, obligé de s’absenter de Chambéry pour quelque temps, il avait sollicité et obtenu l’autorisation d’écrire à Germaine, mais Germaine montrait ses lettres à sa mère et n’y faisait jamais réponse qu’elle ne l’eût consultée au préalable