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VI

Mme Daliot « retarde » peut-être, mais, tout comme Liette, elle tient à ses idées qui font que la mère, sur certains points, est aux antipodes de la fille.

Ainsi il lui paraît inadmissible qu’un acte auguste comme le mariage puisse s’accomplir sans apparat. Elle convient volontiers que, du fait des circonstances — la prolongation de la guerre, le deuil de Mr. Wellstone — il soit séant de réduire le cérémonial au strict nécessaire. Mais entre la pompe des grands mariages et un dédain systématique de tout décorum, il y a un moyen terme auquel on devrait se tenir.

Or, Liette parle de se marier en marge de l’étiquette. On se rendrait individuellement à la mairie, de là à l’église, puis on se séparerait sans plus de formalisme, parents et témoins pour rentrer chez eux, les nouveaux conjoints pour sauter dans le train et filer… à l’anglaise.

— Mais, ma fille, tu n’y songes pas ! se récrie Mme Daliot que consterne l’évocation d’une épousée en costume de voyage et non accompagnée de demoiselles d’honneur. Cela ne s’est jamais vu !

— Raison de plus. Nous innoverons, mère. Je suis pour le progrès, tu sais !

— Si c’est être pour le progrès que d’aller à l’église comme on irait chez l’épicier, j’avoue qu’à ton âge j’étais bien rétrograde ! Car, pour un empire, je ne me serais pas présentée à l’autel sans mon voile et ma belle robe blanche à traîne.

— Oui, mais papa n’était pas Anglais comme Robert.

— Mr. Robert a trop de tact pour ne pas se prêter à nos usages si tu l’en pries.