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hôtel particulier, auto de maître, grooms et laquais en grande livrée. La future Mrs Wellstone junior ne donnera jamais dans ce travers-là ! Elle a bien trop peur du ridicule.

— Tes bijoux, mon enfant ? dit Mme Daliot. Laisse-les dans leur coffret. Tu peux t’en passer.

Denise, pendant ce temps, relit la triste missive où Robert a épanché son affliction filiale :


« Chère petite Liette,

« Plaignez-moi ! Je n’ai plus de mère. Ma dépêche vous l’a appris, mais vous, dont les parents sont si alertes et si jeunes, comment imagineriez-vous toute l’étendue d’une telle perte ?

« Elle n’est plus, la bonne mère qui s’est penchée tant de fois sur mon berceau de baby, qui m’a appris mes premiers mots et mes premiers pas, consolé de mes premiers chagrins et de mes premiers déboires ! Nous avons perdu la gardienne du home, l’admirable éducatrice qui s’ingéniait à modeler mes sœurs sur son image et à me faire digne de mon père, homme d’abord un peu rigide et froid, mais bon dans l’âme, juste comme un saint et à qui l’attachaient des liens sur lesquels le temps n’a jamais eu de prise. Pauvre père ! Après avoir tremblé pour elle, je vais trembler pour lui, qui n’est plus qu’un corps sans âme.

« Chère petite Liette, vous me pardonnerez de vous montrer mon cœur à vif. Qu’il vous appartienne, vous n’en sauriez douter, mais mon amour pour vous s’y superposait, sans l’exclure, à mon amour pour ma mère, et vous aurez beaucoup à faire pour y combler un si grand vide.

« Ô ma bien-aimée, toute ma pensée se tend vers votre tendresse, comme vers le seul flambeau qui éclaire ma nuit ! Vous êtes mon étoile. Vous êtes mon espérance et ma foi ! Aimez-moi davantage encore si possible. C’est ce que j’attends de vous et c’est le baume que vous voudrez verser sur mon cœur qui se déchire… »