Page:Sevestre - Cyranette, 1920.djvu/108

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rétablissement. Ce n’avait été, hélas ! qu’une éclaircie dans le ciel de la famille. Peu à peu, ses forces déclinaient ; la vie se retirait de ce cœur de mère comme elle avait failli se retirer du cœur de Nise. Dans le pseudo-paradis de l’arrière, auquel rêvaient les bons poilus, que de drames se déroulaient ainsi, pendant les luttes infernales où ruisselait leur sang !

Et voici venir la dépêche qu’appréhendaient tant les Daliot. Une lettre la suit, une lettre désolée de Robert : Mrs Wellstone n’est plus !

— Dois-je prendre le deuil, maman ?

Tel est le premier souci de Liette, après qu’elle a versé une larme sur la disparition de celle en qui, si le Lord l’avait permis, elle eût trouvé une seconde mère.

— Contente-toi d’assombrir ta toilette, ma petite. Pas de crêpe, mais pas de couleurs voyantes.

— Et mes bijoux ?

Ils ont fabuleusement augmenté, les bijoux de Liette, depuis ses fiançailles. Outre la bague symbolique, merveille d’orfèvrerie, sortie de chez le plus chic bijoutier de la ville, elle ne compte plus les gourmettes, les pendentifs et toutes les jolies choses dont Robert l’a comblée et qui lui permettraient de se parer comme une chasse, si elle n’avait le bon goût de ne les porter qu’à tour de rôle, sans la moindre ostentation. Faire la roue, parader sur le mail dans tous ses atours, avec des pierres à chaque doigt, des perles plein le cou, d’énormes bracelets, une vraie « batterie de cuisine » — pourquoi pas aussi avec un bel anneau dans le nez, comme certaines négresses ? — c’est bon pour Mme Novaritch, cette excentrique cosmopolite qui défraie la chronique scandaleuse de Chambéry et dont personne ne pourrait dire l’âge — est-ce vingt-cinq, quarante ou soixante ans ? — ni la nationalité — est-elle Polonaise, Arménienne ou Circassienne ? — mais dont tout le monde sait qu’elle mène un train fastueux, avec