Page:Sevestre - Cyranette, 1920.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui la couvrent de confusion ne laissent même pas de la refroidir et elle commence à croire que Mme Daliot n’avait pas tout à fait tort de lui déconseiller vivement ce genre d’exercice, où Nise n’a cure de rivaliser d’émulation avec elle.

— Tu t’estropieras, lui prophétise sa mère, et après in feras une belle mariée !

— Il n’y a pas de danger, affirme-t-elle.

Une chute brutale qu’elle fait certain après-midi (par suite d’une collision avec un grand dadais de lycéen, dégourdi comme ses pieds) et qui la laisse pâmée de souffrance sur la glace traîtresse d’un étang, la convainc du contraire et la dégoûte à jamais du skating.

Elle ne s’est pas estropiée, Dieu merci. Elle s’en tire avec une foulure. N’empêche qu’il faut la ramener en auto et, comme sa cheville gonflée, violacée, presque noire, lui fait endurer mort et martyre, elle se persuade qu’il y a fracture, bien que le docteur, mandé en hâte, affirme que ce n’est rien.

Rien ! Il est bon, le docteur ! S’il souffrait comme elle, il en parlerait moins à son aise.

Des massages répétés, force compresses d’eau blanche calment les tortures qui lui arrachaient des gémissements à fendre un cœur de pierre. Mais on lui impose le repos — un repos absolu. Et, clouée sur une chaise longue, dans sa chambre, près du feu, elle broie du noir quand, de grand hasard, Denise n’est pas là pour lui tenir compagnie.

Heureusement, Denise est une bonne fille, qui fait en sorte de ne pas l’abandonner à son triste sort. Ensemble, on ne s’ennuie pas. On cause de Robert et, quand on cause de Robert, on a tant de choses à se dire, et de si intéressantes, que les heures s’envolent comme des minutes.

Ainsi qu’il en avait prévenu ses hôtes, l’officier n’a passé qu’un jour à Chambéry, mais ce jour-là fait époque dans l’existence de Liette. Ne lui a-t-il