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V

Liette n’a jamais su apprécier, comme son père ou sa sœur, la sauvage et grandiose poésie des hivers savoisiens. Quand les monts d’alentour s’ensevelissent dans les brumes de novembre ; qu’avec décembre se succèdent les lourdes tombées de neige qui ouatent les toits et les rues de la ville et font de ses environs un paysage arctique ; et qu’il semble que toute gaité se soit réfugiée au logis, dans l’âtre qui ronfle et pétille : alors, comme désâmée, elle ne sait plus que faire, ni que devenir.

Cet hiver de 1917-1918, si rigoureux encore, quoique un peu moins hyperboréen que le précédent, de glaciale mémoire, lui paraît si long et si exécrable qu’elle craindrait de n’en voir jamais la fin, n’étaient les distractions qu’elle se donne et qui l’aident à « tuer le temps ».

Actuellement, sa marotte — elle a toujours une marotte, qui dure autant que peut durer un caprice — c’est le patinage. Pour se perfectionner dans la langue de Shakespeare et de Byron, qu’il lui faudra parler correctement une fois mariée, sous peine d’être ridicule, elle fréquente quelques jeunes misses de la colonie anglaise, et depuis que la saison n’est plus propice au tennis, au rowing, au golf, à l’alpinisme, férue de sports en plein air, elle s’est mise à l’école de ses nouvelles amies qui s’adonnent avec ardeur aux joies du skating.

Joies relatives d’ailleurs, pour une novice qui a débuté sur le tard et qui n’est pas encore des plus expertes dans l’art des glissades impeccables et des figures harmonieuses. Quelques « billets de parterre » qu’elle ne peut s’empêcher de ramasser et