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cause la décision de l’officier. Tant pis si ses projets à elle sont culbutés cette fois encore. Une mère, c’est une mère. À la place de Mr. Wellstone, elle n’hésiterait pas non plus. Elle ferait comme lui, n’écouterait que le devoir filial. Et, tout assagie par la compassion qu’il lui inspire, plus n’est besoin que Mme Daliot la rappelle à l’ordre ; c’est tout juste si elle se risque à prendre le bras de Robert et si, chemin faisant, elle goûte le charme d’être admirée, enviée, peut-être jalousée par celles de ses amies qu’elle vient à rencontrer. Elle subit trop intensément l’inévitable mélancolie de cette promenade, qui aurait pu être si gaie, si amusante, si triomphale.

Le temps a bien changé depuis les fortes chaleurs de mai et semble s’adapter aux pensées mêmes du jeune couple. Il souffle, sous les platanes, une bise aigrelette qui en arrache les dernières feuilles et les roule par brassées, sur les quais gris et déserts de la Leysse.

— Vous n’avez pas froid, dear ?

— Pas du tout… Là-bas, dans les Dolomites, c’était bien pire. Quand je suis parti, la neige tombait à gros flocons.

Ils se taisent parce que, lorsqu’on s’aime et qu’on a le cœur oppressé, il est plus doux de ne rien dire. Et le reste du chemin se fait ainsi, lentement, pour ne pas essouffler l’invalide, silencieusement, pour ne pas rompre l’harmonie un peu factice qui s’est établie entre ces deux âmes l’une à l’autre étrangères.

Rue Nézin, on trouve M. le curé avec Nise. Ils sont assez émus, mais les présentations, auxquelles préside M. Daliot en l’édifiante carence de sa cadette, se passent, somme toute, fort bien.

— Monsieur l’abbé Divoire, curé de Maché… Mr. Robert Wellstone, lieutenant au Royal Artillery.

— Monsieur le curé, je suis très heureux et très honoré de vous connaître, dit le jeune homme.