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CYRANETTE

toute en vieilles échoppes, en vieilles croix, en vieilles fontaines, il ne lui déplaît pas de nicher sur l’éminence qui la domine. Le clocher de son église s’y perd dans les magnifiques frondaisons du Grand-Jardin, et l’ancien presbytère, lamentablement délabré, y menace ruine. Mais l’abbé s’y est fait construire, dans un petit terrain à lui, un logis agréable et commode. N’empêche qu’il est bien seul là-haut et, quand sa gouvernante se montre trop acariâtre ou qu’il désire passer une bonne soirée, il descend chez les Daliot, qui habitent rue Nézin, à l’autre bout de la ville, dans une maison moderne, dont leur appartement n’occupe que le second étage. Le site est joli, moins retiré, plus vivant, quoique presque aussi agreste que les hauts et superbes parages de Saint-Pierre. Et l’abbé, en leur compagnie, savoure cette douce intimité de famille que l’ecclésiastique ne peut qu’envier aux laïques.

Ils sont si simples, les Daliot ! Ils sont si charmants, si affables ! La bonhomie du père, l’égalité d’humeur de la mère et de Denise, la gaîté amusante de Liette composent une atmosphère où l’abbé Divoire peut redevenir lui-même et s’épanouir avec délices, après ses exercices religieux, ses visites aux indigents, toutes les charges d’un sacerdoce rendu nécessairement plus lourd par la mobilisation de ses vicaires. Il aime tant cet intérieur coquet et très suffisamment confortable de provinciaux ayant du goût.

Car les Daliot ont du goût, témoin cette spacieuse salle à manger, dont les fenêtres, larges ouvertes sur le parc Lémenc, en aspirent tout l’air, toute la lumière, et que décorent, sans prétention, mais non sans un certain cachet, quelques toiles plaisantes à l’œil, quelques beaux grès flammés comme on en fait à Chambéry et quelques-unes de ces vieilleries de bon aloi que l’on dénichait jadis dans les rustiques chalets des montagnards.

La guerre, jusqu’ici, n’a rien changé aux petites