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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

nard à l’oreille du tigre, la place que j’occupe dans l’Univers ! »

Crédule et naïf, le tigre fut forcé de reconnaître la suzeraineté de « l’oncle du lion ». Ce premier succès l’ayant grisé, le Renard prit la ferme résolution de punir le tigre.

— « Si tu es ignorant, ce n’est certes pas ta faute ! Je te pardonne, pauvre vieux tigre. Crois-moi, c’est ton grand âge qui t’épargne de la rigueur d’un châtiment ; car j’ai toujours eu du respect pour la vieillesse ! » dit le Renard. Puis il lui demanda d’où il venait et où il allait. Le tigre lui répondit qu’il arrivait du mont Bectou et qu’il se rendait au mont Kum-Kan dont il voulait voir, avant de mourir, les merveilleux paysages.

— « Eh bien, tu as raison, il faut voir les mille merveilles du mont Kum-Kan. Le voyage est toujours très instructif… Enfin va ! que Dieu t’accompagne ! »

— « Écoute, tigre, s’empressa-t-il d’ajouter, fais attention, mes neveux sont très nombreux par ici. Ils ne seront pas aussi indulgents que moi. Marche donc tout le long de cette vallée jusqu’à la colline de l’autre montagne que tu vois devant toi. C’est un chemin sûr et jamais un lion ne passe par là. Après cette colline, tu feras comme tu voudras, il n’y aura plus aucun danger ! » fit-il d’un ton protecteur, tout en donnant congé au tigre.

Le vieux tigre, encore tout troublé par le souvenir de l’aventure vécue, descendit la vallée d’un pas chancelant. Son allure était lourde et traînante car n’ayant pas pu manger depuis la