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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

comment un jeune gouverneur sait faire respecter ses ordres ! »

Les impertinents fonctionnaires se retirèrent ayant chacun un casque de pierre sur la tête.

Accablés sous le poids de leurs casques, ils eurent bientôt de pénibles torticolis ou de douloureuses migraines. Leur souffrance était atroce. Jamais supplice ne fut aussi terrible. Ils regrettèrent alors d’avoir manqué de respect à l’égard du jeune gouverneur et allèrent implorer le pardon de leur chef.

— « Vous voyez maintenant, fit celui-ci, comme le remède a été efficace ! Et si après cette petite expérience, il reste encore quelque cou mal assoupli… on n’a qu’à m’avertir. »

À partir de ce jour, une atmosphère respectueuse sembla régner dans le gouvernement provincial. Cependant le jeune gouverneur ne put s’empêcher de lire sur le visage de ses fonctionnaires leur véritable sentiment. Sortis d’une classe bourgeoise et intellectuelle, ils ne voulaient point souffrir les ordres d’un « jeune gamin » de la plèbe. Aussi ne tardèrent-ils pas à ourdir de nouvelles et basses machinations contre le gouverneur.

Kim-Kisou, avec sa sérénité habituelle, fit semblant de ne s’apercevoir de rien. Il se promit pourtant de mettre un terme à cette comédie.

Comme il revenait par une après-midi d’automne d’une inspection à travers le pays, en compagnie de nombreux fonctionnaires de son gouvernement, il traversa un chemin vicinal côtoyant un magnifique champ de cannes à sucre dont les tiges, en pleine maturité, atteignaient