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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

qu’il était malade, assista donc attentivement à toutes ces discussions.

— « Je dois ma vie à cet homme, murmura-t-il tout pensif. Que ne ferais-je pour le sauver ! »

Puis il sortit d’un pas énergique. Après s’être déguisé en deuil, il alla s’asseoir, plein de tristesse, dans un coin du grenier qu’il savait être peuplé de rats. À peine se fut-il installé qu’il vit s’avancer crânement un gros rat vers un sac de blé, sans se douter de la présence du chat. Celui-ci bondit alors devant cet animal impertinent tout en poussant un cri terrible. Le rat s’immobilisa net comme par miracle. C’est à ce moment que le chat s’écria d’un ton courroucé :

— Que votre espèce soit sotte, je ne l’ignore pas, mais à ce point grossière c’est révoltant ! Voilà trois jours que je suis frappé d’un deuil cruel et pas un d’entre vous n’est venu me présenter les condoléances. La politesse a donc disparu de ce pays civilisé ! Votre espèce est vraiment indigne du sol coréen. Va avertir tes amis que je les exterminerai sans pitié s’ils ne viennent pas tous réparer leur faute grossière et m’implorer le pardon !

Ceci dit le chat regagna son coin plein d’une douloureuse affliction, tandis que le rat tout tremblant s’éclipsa derrière une grosse caisse.

Dès son retour parmi ses amis, il leur fit part de son incroyable mésaventure.

— « Je vous propose, continua-t-il d’une voix terrifiée, d’aller rendre une visite au chat sans tarder davantage. Autrement nous risquerions tous d’être exterminés. »