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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

cience, le généralissime était devant moi avec quelques soldats. Il était rouge de colère. Il ordonna tout à coup à ses hommes « Exécutez-le immédiatement ! » Aussitôt on se précipita sur moi et on me ligota mes quatre membres. C’est alors que je suppliai le généralissime de m’accorder une minute pour dire un dernier mot. On me le permit. Je lui racontai d’abord dans quelle condition, nous, ma femme et moi, nous nous étions jurés une foi éternelle et ensuite séparés ; puis comment j’avais pu pénétrer dans sa maison, et enfin je lui dis : « Seigneur, voilà une femme lâche et infidèle au sens le plus méprisable du mot. Vous même, seigneur, vous êtes un futur moi-même avec cette femme-là. Maintenant, gardes ! exécutez-moi ! » Le généralissime m’écouta et parut fort ému. Puis il me dit d’une voix basse : « Fidèle à vos paroles, vous êtes venu de si loin au risque de votre vie jusque chez moi. Or, cette infidèle vous a traité d’une façon telle. que je comprends fort bien votre déception et votre dégoût ! Vous avez raison ! c’est une vipère ! À votre triste récit mon cœur s’est ému ! Ce serait une honte pour notre pays de laisser ici une telle femme ! s’indigna-t-il tout en ordonnant aux gardes l’exécution immédiate de cette femme au lieu de moi. Ainsi je fus délivré, mais mon horreur pour les femmes et mon dégoût pour la vie ne cessèrent pas de grandir. Enfin me voilà dans ce monastère isolé pour finir le reste de mes jours. Oh ! mes jeunes seigneurs, croyez-moi bien, vous pouvez sonder mille lieues au fond de l’Océan, mais vous ne pourrez jamais sonder un pouce au fond du cœur d’une femme ! »