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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

autour d’un sujet éternel, aussi vieux que le monde l’amour et la fidélité.

Jeunes et fiers, chacun parlait bruyamment de son saint amour en vantant la fidélité de celle qu’il aimait. Cependant un vieux bonze, assis sur une éminence, assistait ce jour-là à ce bavardage de jeunesse. Aux affirmations chevaleresques et surtout aux invocations mélancoliques de ces jeunes gens pour leurs « Dulcinées », le bonze ne pouvait dissimuler ses sourires tristes pleins de mépris. D’une voix calme et sereine, il interrompit tout à coup la conversation de cette fière jeunesse.

— « Mes jeunes seigneurs, vous vous trompez beaucoup sur la fidélité des femmes, mais vous ne vous en apercevez certainement pas ! car je sais que, pour la jeunesse, il n’y a pas d’impossibilité. La jeunesse est innocente, sans expérience et crédule. C’est ainsi que vous l’êtes sans vous en douter !… »

— « Comment ! vous, un vieux bonze, un ascète misogyne, qui ne devez pas connaître les femmes, pouvez-vous parler ainsi ? » fit un jeune homme.

— « Certes, si j’étais depuis toujours ce que je suis aujourd’hui, je ne devrais pas connaître les femmes. Mais j’ai eu mes vingt ans dans le grand Monde. Dans ma jeunesse j’étais noble, riche, aimant et aimé autant que vous aujourd’hui, si ce n’était encore davantage !… Ah, si j’avais su alors ce que je sais aujourd’hui sur les femmes, je n’aurais certainement pas attendu le soir de ma vie pour me faire bonze ! Vous êtes jeunes, pleins d’espérance et d’amour. Mais