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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

— « Seigneur, la grandeur de votre esprit mériterait toute bénédiction de Dieu. Je dois donc ma naissance à madame, mais je vous dois ma vie, à vous, Seigneur ! »

Puis avec une tristesse infinie, il jura qu’il consacrerait désormais sa vie entière à son maître et sauveur. En même temps il déclara qu’il quitterait la maison pour des raisons d’ordre moral. Il partit donc un beau jour, et une trentaine d’années s’écoulèrent sans qu’on eût la moindre nouvelle de lui…

Ce fils du divin poète, vaincu à son tour par ses soixante-dix ans, gardait le lit depuis des mois. Un jour son état inspira une vive inquiétude. On crut alors que sa mort n’était plus qu’une question d’heures. Soudain, quelqu’un se fit annoncer à la porte et sans qu’on lui apportât la réponse, accourut jusqu’à la chambre du mourant.

— « Seigneur, dit-il au moribond d’une voix vibrante, si je me suis éloigné de vous de corps, mon âme ne l’était pas une minute ! » Depuis trente ans j’ai étudié la géologie, et ma science m’a permis de trouver une « miung-san » [1] où je compte dresser votre lit éternel qui permettra, ensuite, à votre âme d’entrer dans la famille di-

  1. Le culte des morts est très rigoureux en Corée. Une curieuse superstition dit que la prospérité ou la ruine de postérité est subordonnée à la qualité du lieu de tombeaux des ancêtres. Le lieu de tombeaux qui permet l’âme de l’occupant d’entrer dans la famille de divinité de l’autre monde s’appelle « miung-san »,