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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

forçait de cacher son corps sanglant derrière un buisson touffu. Mais la petitesse du taillis ne lui offrait pas un abri sûr. Alors le poète devinant tout, arracha rapidement plusieurs brassées d’autres buissons et les jeta soigneusement sur le corps du cerf qui faisait alors mine d’être mort. Quelques instants après, deux chasseurs arrivèrent en hâte. Ils lui demandèrent s’il n’avait pas vu passer un cerf blessé.

— « J’ai vu passer un cerf furieux, en effet, répondit le poète, galopant à toute allure dans cette direction. »

Ainsi, une direction fausse étant indiquée, ils s’y précipitèrent sans même remercier leur interlocuteur. Quand les chasseurs eurent disparu au loin, le cerf sortit de sa cachette. D’un regard reconnaissant, il considéra l’homme pendant un instant, puis s’en alla d’un pas traînant vers la haute montagne, tandis que, cédant à la fraîcheur crépusculaire, le poète regagnait son foyer familial.

Le lendemain matin, contrairement à son habitude, comme il s’était réveillé de fort bonne heure, et plongé dans la méditation, sa femme le pria de lui en dire le sujet. Alors, après avoir raconté à celle-ci l’histoire du cerf blessé, il lui apprit qu’il venait de s’éveiller d’un rêve peu ordinaire :

— « Un vieillard s’est présenté à moi, continua-t-il, il m’a remercié fort gracieusement d’avoir sauvé son fils bien-aimé qui n’était autre que le cerf de la veille. Il m’a assuré com-