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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

l’assassiner, car l’enfant échappait toujours avec une intelligence incroyable. Plus l’intelligence de l’enfant était grande et ingénieuse, plus le seigneur paraissait ridicule et méchant ! Et plus le seigneur paraissait ridicule et méchant, plus l’enfant gagnait, à ses dépens, la sympathie des autres.

À la fin, exaspéré par les échecs répétés de ses tentatives criminelles, il se décida à lever le masque de son cynisme. Aussi fit-il venir, un matin, un de ses esclaves, le plus brutal et le plus cruel, et lui dit :

— « Tu vas prendre, aujourd’hui, le petit enfant de Kim Sébang et le mettre dans un sac. Puis tu iras le jeter au loin dans le courant le plus impétueux du fleuve. Et voilà pour ta récompense ! » fit-il tout en lui remettant une bourse énorme.

Cet esclave sans cœur alla aussitôt chez Kim Sébang et lui arracha l’enfant, malgré toutes ses résistances suppliantes. Ayant enfermé l’enfant dans un sac qu’il mit sur son dos, il s’en alla tranquillement vers le fleuve fatal qui se trouvait à une demie journée de marche du domaine seigneurial.

Depuis une bonne heure l’enfant était dans le sac sur le dos du cruel esclave. On était alors au seuil de l’été et il faisait ce jour-là une chaleur épouvantable. Malgré toutes les supplications de ce malheureux enfant, l’esclave continua toujours son chemin. Arrivé au mi-chemin du fleuve, il s’arrêta devant une auberge, sans doute, pour calmer sa soif. Il accrocha le sac du malheureux enfant à la branche d’un énorme sapin