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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

paquet avec une lenteur désespérante. À la fin on trouva inscrite sur le papier cette pieuse prière A-MI-TA-BOUL. Machinalement tout le monde lut cette prière à haute voix. Et en la répétant les uns déclaraient que le marchand était fou, d’autres se fâchaient en disant qu’il se moquait d’eux. Bref la foule mécontente se dispersa rapidement en répétant sans cesse cette insipide prière soit par ironie soit surtout par colère.

Resté seul au pied de cette montagne, célèbre d’ailleurs depuis des siècles par ses innombrables légendes, frustré de ses derniers sous, ne sachant plus où et comment finir désormais les derniers jours de sa vie, le pauvre marchand se lamentait amèrement de son malheureux destin. Il cherchait à noyer ses chagrins dans des vins généreux, dernier refuge d’une âme désespérée. Il en but tellement qu’il se laissa choir dans un profond sommeil. Soudain il se réveilla surpris par la fraîcheur piquante de cette nuit d’automne. L’air était rempli d’un parfum suave des chèvres-feuilles en fleurs. Une magnifique constellation d’étoiles clignotait dans un ciel pur. Et au milieu d’un silence religieux, les invisibles insectes combinaient un concert sublime. Juste à ce moment il vit venir un vieux bonze qui lui demanda ce qu’il faisait là seul. Le marchand lui raconta alors toute sa malheureuse histoire et se plaignit de la mauvaise plaisanterie du Devin.

Le bonze à peine l’eut-il écouté s’écria :

— « C’est vous qui avez donc sauvé ma vie. Je suis l’Esprit gardien de cette sainte montagne. Par mon inattention un temple de Dieu a été