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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

tueusement son ascension. Et quand elle atteignit la poutre du plafond, soudain un bruit formidable se fit entendre soulevant les poussières du pavé.

Quelques heures après, suivant l’usage, le grand maître de la cérémonie alla, suivi des notabilités du village, rouvrir la porte de l’entrepôt. À la grande stupéfaction de tous, on trouva une énorme scolopendre d’une grandeur fabuleuse et un crapaud d’une grosseur non moins fabuleuse étendus mort par terre. Et l’entrepôt était rempli d’une odeur nauséabonde. La surprise fut plus grande encore quand on trouva, contrairement aux exemples des années précédentes, la victime encore couchée sur l’autel sacrificatoire. On se précipita alors vers la jeune fille. Son corps était encore chaud. On le transporta dans une maison voisine espérant la ranimer. Pendant qu’on lui prodiguait les soins les plus attentifs, les racontars les plus fantaisistes se répandaient dans tout le village. Cependant la jeune fille revint à la vie et fit, à la stupéfaction générale, le récit de ce qu’elle avait vu dans l’entrepôt et ajouta avec émotion l’histoire de son malheureux crapaud.

Tous les habitants de ce village pleurèrent la mort du pauvre animal, leur bienfaiteur, et comprirent clairement alors que la superstition dont ils étaient victimes n’était que le crime de cette monstrueuse scolopendre. Enfin, on reconduisit, en grande pompe et avec tous les honneurs que l’on doit à un grand héros national, la jeune fille jusque chez son père qui ne comprenait rien à ce mystère.