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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

Étouffant le sanglot qui l’étreignait à la gorge et dissimulant la tristesse dont elle était accablée, elle dit :

— « Père, je sors… »

— « Où vas-tu ? »

— « C’est notre voisine, la dame Kim, qui me demande de l’accompagner un peu dans ses courses. Et ne vous inquiétez pas surtout si je tarde à rentrer. Le repas est tout prêt dans le buffet de la cuisine. »

À peine avait-elle dit ces mots qu’elle s’empressa de quitter la pièce, de peur que son père ne remarquât les grosses larmes qui troublaient sa vue. Elle vint s’asseoir sur le tabouret, son siège habituel, devant le foyer de sa cuisine. Elle regarda furtivement le crapaud, son pensionnaire depuis trois ans.

Pendant ces trois années de leur vie commune en compagnie de marmites et de casseroles, elle avait souvent maltraité le pauvre crapaud, dans ses moments de mauvaise humeur. Mais elle comprenait pour la première fois, ce jour-là, qu’elle s’était prise d’une amitié pour le crapaud et que cette amitié était partagée par l’animal, car l’innocente bête semblait être très émue par les larmes qui ruisselaient sur les joues de sa maîtresse.

— « Mon pauvre crapaud, tu n’auras plus personne pour te nourrir ! C’est pour la dernière fois que je te vois ! Adieu… Adieu… » dit-elle en pleurant tout en caressant son malheureux pensionnaire.

À ce moment, les bruits lointains d’une voiture et des clameurs inaccoutumées se firent en-