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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

Ciel ne l’a pas voulu ! ricana cyniquement le jeune ingrat. Cependant je te rendrais ta femme si tu creusais par tes propres moyens un tunnel de cinquante kilomètres à travers ce bloc de rocher que tu vois-là ! » dit-il tout en montrant l’immense masse de granit qui garnissait le flanc de la montagne.

À moins d’un miracle, comment peut-on creuser un tunnel de cinquante kilomètres à travers une telle masse de granit ! Le pauvre Maship était surtout inconsolable à l’idée qu’il ne reverrait plus jamais sa femme. Pourtant il se disait :

— « Puisque je n’ai d’autre moyen de la revoir qu’en creusant un long tunnel à travers cette montagne, je vais commencer dès maintenant. Celà me donnera l’illusion d’un espoir qui me rendra au moins la vie supportable. »

Il se mit donc aussitôt à piocher au beau milieu de cet immense rocher malgré les sages conseils de tous ceux qui connaissaient la crédule et innocente nature de Maship, de renoncer à sa stupide tentative. On s’apitoyait non pas tant sur son malheureux sort que sur son entêtement.

Un jour un vieillard du village exaspéré de voir ce malheureux simple s’épuiser vainement contre cet immense bloc de granit, lui dit d’un ton à la fois ironique et bourru :

— « Tu as raison ! mon ami, creuser un tunnel de cinquante kilomètres à travers une montagne de granit, c’est un jeu d’enfant ! Continue donc frappe fort ! tu y parviendras certainement en moins de cent jours ! cria-t-il tout en s’éloignant.

Vraiment, en moins de cent jours ? » s’écria