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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

tagne, je viens vous demander l’hospitalité d’une nuit. »

Alors la porte s’ouvrit et une jeune femme à la fois froide et austère le reçut dans une cour déserte. C’était une vieille maison qui avait tout l’air d’un temple depuis longtemps abandonné. Au milieu de cette cour, une cloche minuscule se perchait haut au sommet d’un mât immense. La jeune femme le conduisit dans une pièce isolée remplie d’une odeur de moisi. Une poussière épaisse comme deux doigts tapissait le parquet. Mais tout cela ne vaudrait-il pas mieux que de passer la nuit dehors dans cette montagne incertaine ! À peine eut-il dévoré un repas froid que la jeune femme lui avait servi qu’il ronflait déjà à tue-tête. Or il fut réveillé à minuit par un lugubre sifflement. Et il vit dans la pièce un gigantesque serpent prêt à lui sauter à la gorge !

— « Je suis la jeune femme de tout à l’heure, dit l’effroyable reptile. Je t’avais entraîné jusqu’ici pour venger mon mari. Tu l’as tué en effet d’une flèche maudite alors qu’il chassait, cette après-midi, deux vulgaires faisans ! »

Une sueur glaciale passa dans le dos de Tchi-Ac dont le corps pétrifié tremblait comme une feuille.

— « Tu as raison, certes, balbutia-t-il, de vouloir venger ton mari. Mais songe un peu à ce que je vais à Séoul pour mettre tout mon savoir au service de notre pays. Bien qu’il y ait une différence de nature entre toi et moi, tu n’es pas moins pour cela un habitant de ce pays que nous devons défendre par devoir. Et puis qu’aurais-tu fait, toi, si tu voyais un puissant monstre sur le point