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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

lait, non sans noircir son âme candide, une superstition du pays qui disait que parmi les feuilles d’un saule entier, il y en a toujours une magique, une seule. Si l’on la mettait sur le front, on devenait tout de suite invisible aux autres. Celui qui trouve cette feuille magique peut être toujours riche puis qu’il peut prendre les biens d’autrui sans être vu de personne. Mais toute la question est d’avoir assez de patience pour la trouver. Il faut examiner, une à une, toutes les feuilles d’un saule entier.

Lieu-Jin, après avoir attentivement cueilli dans un sac toutes les feuilles d’un jeune saule qu’il avait choisi, rentra aussitôt chez lui avec le sac sur le dos.

Ce fut un soir, après le dîner. Sa femme tricotait à la lueur d’une faible lampe. Il s’installa alors à côté d’elle et commença à examiner les feuilles du saule, l’une après l’autre. D’abord il mit une feuille sur le front et demanda à sa femme :

— « Dis-moi, ma mie, me vois-tu ? »

— « Mais bien sûr que je vous vois ! »

Puis mettant une autre sur le front :

— « Me vois-tu ? »

— « Mais bien sûr que je vous vois ! »

— « Me vois-tu ? » fit-il en changeant encore de feuille.

— « Mais vous êtes fou ! laissez-moi tranquille ! »

— « Aie patience, ma mie, et réponds-moi seulement ! Me vois-tu ? continua-t-il.

— « Ou…iii !! je vous vois ! vous dis-je, je