Page:Seu - Miroir, cause de malheur, et autres contes coréens, 1934.pdf/126

Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

gea son affliction et son deuil. Puis il lui demanda :

— « Raconte-moi, je t’en prie, les circonstances de ce tragique accident qui t’inflige une si douloureuse perte ! »

— « Eh bien, répondit l’ami, mon père comme architecte dirigeait les travaux de la construction d’une maison. Il se trouvait sous la charpente quand tout à coup une énorme poutre tomba, pour des causes encore inconnues, sur le dos de mon père, l’écrasant ainsi sous son poids !… Non, non, épargne-moi de cette horreur ! » gémit-il tout en sanglotant.

— « Ah ! quelle horreur ! en effet. Mais dis-moi encore, son œil n’a pas été blessé ? »

Tout autre que cet ami l’aurait pris pour un mauvais plaisant. Heureusement il savait que Lieu-Jin était un idiot sans méchanceté.

Cependant vers le soir, Lieu-Jin devait rentrer chez lui. Son ami lui prêta son âne, vu la longueur du trajet que celui-ci avait à parcourir avant le coucher du soleil.

— « Fais attention, c’est une bête très capricieuse et délicate. Tu la soigneras bien, n’est-ce pas ! »

Le voilà en route, notre géant idiot sur un âne minuscule qui, bien que petit, supportait fort bien son énorme fardeau. Chemin faisant, Lieu-Jin pensa machinalement à son ami dont l’affliction avait fait sur lui une profonde impression. Il se demanda soudain, avec curiosité :

« Pourquoi mon ami est-il si triste quand ce n’est pas mon père qui est mort ? Pourquoi son père est-il mort quand c’est la poutre qui est