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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

soir. Lieu-Jin partit donc muni d’un énorme sac. La place du marché se trouvait au pied du rempart de la ville. Comme on n’était encore qu’au début de l’après-midi, la place était calme avec ses innombrables et minuscules châlets-boutiques fermés. Les marchands de quatre-saisons, étendus à l’ombre de la muraille, ronflaient à tue-tête. La chaleur était alors tropicale, et excitait la soif. Une odeur rafraîchissante et agréable qui se dégageait d’un débit de boissons invita Lieu-Jin à s’y arrêter. Il y entra avec son sans-souci habituel, et se fit servir une cruche de bon vin qu’il avala si vite qu’il n’eut même pas le temps de le goûter. Ça ne compte pas ! Il en but une autre. Mais un peu de vin n’était bon pour un pareil homme qu’à exciter davantage la soif. Il en demanda donc une troisième puis une quatrième… enfin il en but tellement qu’il en fut ivre !

« Puisqu’il est encore trop tôt pour le marché, je vais faire un petit somme sur le rempart », se dit-il, oubliant naturellement qu’il était interdit aux civils de monter sur le rempart. Là, dominant le marché, il s’installa dans un coin agréable. Il ne tarda pas à être envahi par un profond sommeil.

Lorsqu’une brise assez fraîche frôla le visage de Lieu-Jin, il se réveilla. D’un mouvement athlétique, il s’étira, bailla, puis frotta ses yeux et vit enfin de sa place que le marché était en pleine activité.

« Bon ! je me réveille juste à temps ! » grommela-t-il, en se grattant la tête. Il descendit au