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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

quitta les siens en leur assurant qu’il reviendrait riche.

C’est en mendiant de village en village qu’il atteignit enfin la ville proposée. L’aspect des habitations et l’élégance des passants laissaient croire suffisamment que c’était une ville riche. Il frappa à la porte d’une belle maison habitée par un de ses anciens serviteurs dont le nom était gravé à l’entrée. Un jeune homme vint et lui demanda :

— « Qui voulez-vous voir ? »

— « Song Sébang est-il à la maison ? »

— « Comment ! misérable ! tu oses appeler ce nom sans ajouter le mot Seigneur ! »

— « Va dire à Song Sébang que je suis le Seigneur Tchai Du-Bon de Séoul ! » reprit-il avec un sourire de mépris.

Bientôt il fut introduit auprès de Song Sébang qui était un homme d’une cinquantaine d’années.

— « Assieds-toi là, jeune homme ! fit-il froidement, tu as bien fait de venir chez nous, car nous avons besoin de toi ! »

Puis fixant ses regards à la fois ironiques et terribles sur le pauvre Tchai Du-Bon stupéfait, Song Sébang continua :

— « Tu viens ici, en somme, pour troubler notre bonheur ! n’est-ce pas ? Vous vous êtes assez servi de nous ! Laissez-nous donc maintenant vivre en paix ! s’enflamma-t-il, sache que nous vivons ici en Yang-Ban[1] et ta présence

  1. Yang-Ban est une classe sociale de la Corée qui correspond en France à la haute bourgeoisie sous l’ancien régime.