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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

lait le tigre. Il avait assisté, de loin, au « stupide bienfait » du bonze et à l’ingrate exigence du tigre. En s’approchant d’eux, il ne leur demanda pas moins le sujet de leur dispute. Alors le bonze lui fit fidèlement le récit de sa mésaventure et lui dit :

— « Sois juge impartial de notre querelle ! A-t-on jamais vu un animal aussi ingrat ? »

— « Le cas est très délicat ! Car tous deux, vous avez raison : vous, saint homme, de réclamer la justice ; vous aussi, tigre, de vouloir manger le bonze, car la faim n’a point de loi. Je tiens tout de même à rendre un jugement impartial. Il me faut cependant être mieux informé. D’abord, comment étais-tu, toi, tigre, quand le bonze arriva ? Rentre dans la cage et fais-moi voir ta position de tout à l’heure ! »

— « Voilà, comment j’étais tantôt ! » fit le tigre en regagnant le piège.

— « Bien, et vous, bonze, montrez-moi comment était fermée la porte de cette cage ? »

— « Voilà comment était fermée cette porte ! » fit le bonze tout en refermant la porte du piège.

— « Bon, bon, c’est parfait ! Si vous l’aviez laissée comme celà, sans vous en occuper, vous n’auriez certainement pas eu une querelle avec ce tigre. Eh bien, vous n’avez qu’à laisser maintenant cette porte fermée et il n’y aura plus une affaire tigre-bonze à trancher ! Allez-vous en, bonze, et bon voyage ! Quant à toi, tigre ingrat, bonsoir !