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MIROIR, CAUSE DE MALHEUR

veille, son estomac criait famine. Quelle joie celà fut pour lui quand il trouva sur son chemin une énorme cage grillagée dont la porte était ouverte avec un chien attaché dedans ! Il s’y précipita. À peine fut-il dans la cage qu’il fut immobilisé par une planche tombée derrière lui ! Il voulait sortir, mais c’était déjà trop tard, la porte s’était fermée toute seule. Il comprit alors qu’il était tombé dans un piège ! Que faire ? Il fallait se résigner au sort. Il attendit donc la mort, les larmes ruisselaient de ses yeux. À ce moment de désespoir, il se rappela tristement ses heureux jours passés et la douce vie qu’il avait menée dans son pays natal. Soudain des bruits de pas se firent entendre, puis un bonze passa devant la cage. Le tigre, tout en larmes, l’interpella :

— « Saint homme, apôtre du Bouddha, ayez pitié et sauvez-moi la vie. Au nom de votre religion, je vous supplie de me sauver… »

Le bonze ému par la détresse du tigre voulut bien le sauver. Mais il hésita, sachant parfaitement le caractère ingrat de cet animal.

— « Écoute, malheureux tigre, je veux bien te sauver, mais j’ai peur d’être mangé après mon bienfait ! Qui est ce qui me sauvera si tu seras ingrat ? »

Le tigre protesta, toujours en larmes, de la crainte injustifiée du bonze et soutint énergiquement sa bonne foi.

— « Qu’y a-t-il de plus abominable que d’être ingrat, continua-t-il. Si je ne pourrai pas vous récompenser pour votre bienfait, du moins je ne vous ferai jamais du mal, si sauvage que je sois !… »