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RICHARD WAGNER JUGÉ EN FRANCE

pas mieux traité. « Berlioz, en dépit de son caractère déplaisant, m’attira beaucoup plus ; il y a entre lui et ses confrères parisiens cette immense différence qu’il ne fait pas sa musique pour gagner de l’argent. Mais il ne peut écrire pour l’art pur ; le sens du beau lui manque… »

Toutefois, si les travaux de métier et les articles de critique le faisaient vivre, c’était dans une gêne pénible qui lui inspire, au début de sa fantaisie : — Un musicien étranger à Paris, cette invocation désolée : — « Pauvreté, dure indigence, compagne habituelle de l’artiste allemand, je veux te célébrer, toi, ma compagne fidèle, qui m’as suivi constamment : en tous lieux, toi qui, de ton bras d’airain, m’as préservé des vicissitudes d’une fortune décevante, et qui m’as si bien abrité contre les rayons enivrants de son soleil ! Mais ne pourrais-tu pas désormais pratiquer ta sollicitude en faveur d’un autre protégé ? Je voudrais, ne fût-ce que pour un jour, essayer de l’existence sans ta participation. » Charles de Lorbac, qui cite ces lignes lugubres, retrouve dans cette triste ironie « l’humour de Henri Heine, quand le caissier de la Gazette d’Augsbourg le faisait trop attendre ou quand les lettres de son éditeur de Hambourg lui arrivaient sans être chargées. »

Si, après plus de deux ans d’efforts stériles, Wagner n’attendait plus rien de Paris, il n’avait pas cessé toutes relations avec ses compatriotes. On lui donna un jour la nouvelle que son Rienzi venait d’être reçu par le théâtre royal de Dresde. Il lui