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Mme Catulle Mendès. Cependant, nos journaux gardèrent le silence sur le nouveau triomphe de Wagner, sans doute à cause des complications politiques et des bruits de guerre, bientôt confirmés.

Cette réserve dédaigneuse de la presse à l’égard de Wagner à la veille de la rupture de nos relations pacifiques avec son pays, s’explique-t-elle par l’irritation qu’aurait dû lui inspirer la publication d’Art allemand et politique allemande[1] ? Nullement. On était alors si peu renseigné sur les productions de l’étranger qu’une brochure aussi injurieuse pour la France, signée d’un nom aussi célèbre, put être publiée en Allemagne et même traduite à Bruxelles dans notre langue, sans susciter aucune polémique. Personne ne prit garde à ce manifeste anti-français d’un Brunswick musicien. On croyait alors connaître l’Allemagne parce qu’on allait à Bade, pendant la saison, et l’on jugeait des Allemands par les joueurs du Kursaal. Les festivals d’été, organisés à grands frais par le directeur des jeux, Bénazet ou Dupressoir, attiraient, de toutes les villes d’eaux voisines, une société cosmopolite. Dans une cantate de M. Reyer, exécutée en 1862 à l’un de ces festivals internationaux, le librettiste Méry célébrait avec une candide confiance : le Rhin, symbole de la paix !

Cependant, après les succès militaires de la Prusse, spoliatrice du Danemark, victorieuse de

  1. Cet ouvrage a été réimprimé dans le tome VIII des Œuvres complètes de Wagner. Fritsch, à Leipsig.