Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/189

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à peines visibles, se tordait dans le pli d’un sourire amer, le beau front, — sous le chapeau rejeté en arrière, — le beau front vaste et pur, uni, entre des cheveux très doux, déjà grisonnants, qui fuyaient, montrait la paix inaltérable de je ne sais quelle immense pensée, et il y avait dans la transparence ingénue des yeux, — des yeux pareils à ceux d’un enfant ou d’une vierge, — toute la belle candeur d’un rêve inviolé.

« Dès qu’il nous vit, Richard Wagner frémit des pieds à la tête avec la soudaineté d’une chanterelle secouée par un pizzicato, jeta son chapeau en l’air, avec des cris de folle bienvenue, faillit danser de joie, se jeta sur nous, nous sauta au cou, nous prit par le bras, et remués, bousculés, emportés dans un tourbillon de gestes et de paroles, nous étions déjà dans la voiture qui devait nous conduire à l’habitation du Maître. »

En quelques pages très vivantes, M. Cat. Mendès, — à qui les hôteliers de Lucerne rendaient des honneurs royaux, l’ayant pris pour le roi de Bavière et Villiers pour le prince Taxis, — évoque ces journées de causerie, de musique, de projets artistiques, en lesquelles se complaisaient les visiteurs français admis dans l’intimité de Wagner[1].

  1. M. C. Mendès, en des Notes de voyage adressées à cette époque au National, décrivait l’intérieur de la villa de Triebchen et racontait sa visite à Wagner. Il citait même de lui des propos flatteurs sur des musiciens tels que Mozart, Auber et Rossini. « Parmi les plus grands chagrins de sa vie, il compte la mort de Baudelaire et celle de Gasperini ». (No du 3 août 1869).