Le désastre du communisme. Parlé du procès de Moscou. Aucune illusion sur cette scélératesse et cette cruauté. J’emporte l’impression d’un homme extrêmement scrupuleux, troublé jusqu’au fond de l’âme, qui voulait servir une grande cause — et ne sait plus comment.
Bruxelles, 11 janvier 1937, matin. — Je le revois à l’Hôtel Albert ier, près de la gare du Nord. « Vous voyez, je suis venu vous voir. » Quelque chose de très confiant dans le ton, comme si depuis notre entrevue de Paris, des brouillards s’étaient dissipés entre nous. — Son visage s’est creusé, sculpté en creux. De l’ascétisme — mais accoutumé à du luxe. De l’ascétisme au fond de l’âme et du velours sur la chair. Le pas mou, le geste vif. Un tic de reniflement. On perçoit de la fermeté.
Je l’avais vu presque anxieux, plein de scrupules et de doutes, sentant qu’il fallait franchir une frontière et ne l’osant qu’à peine. Désemparé. La crainte de faire du tort à la cause de l’Espagne le tourmentait. Et encore la peine de sentir se détacher de lui tant de jeunes affections, toute une popularité chaude et bienfaisante, venue tard… Mais la garder sur un fond de déception et de mensonge, et de complicité avec d’immenses crimes ?
— C’est fini.
Je le retrouve fortifié, calme, volontiers souriant. Net : de la combativité. Le livre est très bien parti. Des centaines de coupures de presse odieuses, calomnieuses, boueuses, arrivent. Il en parle avec détachement.
Nous parlons de Malraux dont l’attitude le préoccupe un peu. Il dit quelque chose comme ceci : « M. a barre sur moi. Ramasser la popularité que je laisse. Extraordinairement intelligent. Habile. Il sait parfaitement que j’ai raison, mais ça ne l’engage pas. », De Jef Last, qui est au front de Madrid : un excellent alibi.
