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IX
AVERTISSEMENT

volume des prosateurs. À d’autres égards, il est plus complet encore, car, en dehors de l’étude sommaire consacrée à chaque écrivain, j’ai fait précéder chaque école d’une notice littéraire générale destinée à guider les non-initiés ; enfin les notes sont plus nombreuses. En rédigeant la partie critique de mon ouvrage, je me suis efforcé, du reste, d’être absolument objectif ; j’ai tâché aussi de donner à chaque poète une place proportionnée à son importance.

Et maintenant que mon long et difficile travail est terminé, je voudrais pouvoir m’écrier comme le poète : Exegi monumentum ! Je le voudrais, non par orgueil littéraire, mais parce qu’il me serait doux de penser qu’avec les pierres précieuses taillées par les grands génies de ce siècle, j’ai élevé un monument à la France, ma patrie, et à tous les pays aimés où résonne notre douce langue natale. Mais je sais qu’une chrestomathie est un monument modeste et la fière affirmation du poète latin serait ici outrecuidante. Pourtant, à composer ce travail, j’ai éprouvé de grandes joies intellectuelles. Pendant les milliers d’heures que j’ai passées à lire et à étudier à fond les prosateurs, les poètes et leurs critiques, j’ai vu pour ainsi dire s’épanouir devant mes yeux la fleur de la civilisation française. Tout ce que le génie français a produit de meilleur dans ce siècle-ci, il m’a été donné de le savourer longuement et j’ai goûté, malgré les difficultés et les fatigues du labeur, des sensations inoubliables. Elles effaçaient en moi les tristesses et les rancœurs qui assombrissent aujourd’hui tous les vrais amis de la France. Un rayonnement magnifique sort des œuvres littéraires qu’a inspirées ce pays ; souvent j’en fus ébloui pendant mes recherches. Je voudrais que tous les lecteurs de ce livre éprouvassent la même joie à admirer ces nobles fleurs de poésie, cueillies pour eux par une main pieuse.

Octobre 1898.