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Qui n’a jamais lavé son lit ensanglanté,
Le Rhin des conquérants et des vautours avides, —
Qu’il soit à vous, qu’il soit à vous !

Notre Rhin, libre enfant, frère jumeau du Rhône,
Sur l’Alpe, en son berceau, n’a que des rêves d’or ;
Il est fier, il est libre, il est jeune, il est fort ;
Le sang n’a pas souillé les fleurs de sa couronne ; —
Il reste à nous, toujours à nous !


Lioba[1].


Tout vrai Suisse à un ranz éternel au fond du cœur. SAINTE-BEUVE


D’où nous vient-il, ce vieux refrain.
Qui fait pleurer, qui fait sourire ?
D’où nous vient-il, que veut-il dire.
Ce ranz naïf, grave et serein,
Lioba, lioba ?

Voix des bergers, voix des abîmes.
Voix des torrents, des rocs déserts,
Il vient à nous du haut des airs.
Comme un écho des blanches cimes.
Lioba, lioba !

Sur l’Alpe aux flancs vertigineux
Il flotte dans l’air qu’on respire ;
Aux forêts le vent le soupire.
Et les monts se disent entre eus
Lioba, lioba !

Dans cette idylle douce et fière
La Liberté nous a souri.
Combien de fois le cor d’Uri[2]
A-t-il sonné sur la frontière
Lioba, lioba !

Exilés sous d’autres climats.
Regrettons-nous l’Alpe fleurie ?
Ce vieux refrain, c’est la patrie

  1. Extrait des Poésies. — Lioba est un mot du patois romand qui signifie vache ; c’est aussi le cri d’appel des bergers pour rassembler leurs troupeaux. Dans le Ranz des vaches des Colombettes, c’est le premier mot du refrain.
  2. Un des trois cantons primitifs de la Suisse, formé par la vallée supérieure de la Reuss ; il a Altdorf pour chef-lieu.