Le vent sauvage de Novembre,
Le vent,
L’avez-vous rencontré le vent
Au carrefour des trois cents routes,
Criant de froid, soufflant d’ahan[1] ;
L’avez-vous rencontré le vent,
Celui des peurs et des déroutes ;
L’avez-vous vu cette nuit-là
Quand il jeta la lune à bas,
Et que n’en pouvant plus
Tous les villages vermoulus
Criaient comme des bêtes
Sous la tempête ?
Sur la bruyère infiniment,
Voici le vent hurlant,
Voici le vent cornant Novembre.
La rue, en un remous de pas,
De corps et d’épaules d’où sont tendus des bras
Sauvagement ramifiés vers la folie,
Semble passer volante — et s’affilie
À des haines, à des sanglots, à des espoirs ;
La rue en or
La rue en rouge, au fond des soirs.
Toute la mort
En des beffrois tonnants se lève ;
Toute la mort, surgie en rêves,
Avec des feux et des épées
Et des têtes, à la tige des glaives,
Comme des fleurs atrocement coupées.
La toux des canons lourds,
Les lourds hoquets des canons sourds
Mesurent seuls les pleurs et les abois[3] de l’heure.
- ↑ Avec un petit effort pénible (mot vieilli).
- ↑ Extrait du recueil Les Villes tentaculaires (1896). — Dans toute la poésie française il y a bien peu de pièces aussi tragiquement belles que celle-ci.
- ↑ Aboi, dérivé du verbe aboyer, veut dire le cri du chien, et, par extension, la situation de la bête forcée à la chasse : « Un cerf aux abois. » Il est pris ici dans ce dernier sens.