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chrestomathie française

Aux citernes des fermes
Les seaux et les poulies
Grincent et crient
Toute la mort dans leurs mélancolies.

Le vent rafle le long de l’eau
Les feuilles mortes des bouleaux,
Le vent sauvage de Novembre ;
Le vent mord dans les branches
Des nids d’oiseaux ;
Le. vent râpe du fer
Et peigne au loin les avalanches,
Rageusement, du vieil hiver,
Rageusement, le vent,
Le vent sauvage de Novembre.

Dans les étables lamentables
Les lucarnes rapiécées
Ballottent leurs loques falotes[1]
De vitre et de papier.
— Le vent sauvage de Novembre ! —
Sur sa butte de gazon bistre[2]
De bas en haut, à travers airs,
De haut en bas, à coups d’éclairs,
Le moulin noir fauche, sinistre,
Le moulin noir fauche le vent,
Le vent.
Le vent sauvage de Novembre.

Les vieux chaumes à cropetons[3]
Autour de leurs clochers d’église
Sont soulevés sur leurs bâtons ;
Les vieux chaumes et leurs auvents
Claquent au vent,
Au vent sauvage de Novembre.
Les croix du cimetière étroit,
Les bras des morts que sont ces croix,
Tombent comme un grand vol
Rabattu noir contre le sol.

  1. Plaisantes, comiques, avec une nuance péjorative.
  2. Couleur d’un blanc jaunâtre.
  3. Ce provincialisme, qu’on trouve du reste dans Rabelais, signifie : à quatre pattes.