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maurice maeterlinck


Chanson[1].

Ils ont tué trois petites filles
Pour voir ce qu’il y a dans leur cœur.

Le premier était plein de bonheur,
Et, partout où coula son sang,
Trois serpents sifflèrent trois ans.

Le deuxième était plein de douceur,
Et, partout où coula son sang,
Trois agneaux broutèrent trois ans.

Le troisième était plein de malheur
Et, partout où coula son sang,
Trois archanges veillèrent trois ans.



Chanson.

— Et s’il revenait un jour,
Que faut-il lui dire ?
— Dites-lui qu’on l’attendit
Jusqu’à s’en mourir…

— Et s’il m’interroge encore
Sans me reconnaître ?
— Parlez-lui comme une sœur,
Il souffre peut-être…

— Et s’il demande où vous êtes,
Que faut-il répondre ?
— Donnez-lui mon anneau d’or,
Sans rien lui répondre…
 
— Et s’il veut savoir pourquoi
La salle est déserte ?
— Montrez-lui la lampe éteinte
Et la porte ouverte…

Et s’il m’interroge alors
Sur la dernière heure ?
— Dites-lui que j’ai souri
De peur qu’il ne pleure…



Chanson.

J’ai cherché trente ans, mes sœurs,
Où s’est-il caché ?

  1. Extrait de Douze Chansons (1897).