consulter : Gaston Boissier, Rapport à l’Académie française (17 novembre 1898) ; Georges Rency, Les Physionomies littéraires (1909) ; Henri Liebrecht, Histoire de la littérature belge d’expression française (1910).
FERNAND SÉVERIN
C’est une âme délicate et pure, un esprit subtil, un peu précieux, mais
d’une sincérité pleine de charme. Dans la mélancolie douce de ses vers
nuancés et harmonieux, il y a de la profondeur et du mystère. Romantique par sa sensibilité, il est parnassien par sa forme, avec je ne sais quoi
de tendrement ému qui n’appartient qu’à lui et en fait un des poètes les
plus attirants de la Belgique. Amant de la nature consolatrice et maternelle
il a des convictions religieuses et un idéalisme de bon aloi : il n’étale pas
indiscrètement sa foi, comme certains néophytes qui éprouvent le besoin
de crier leur conversion à tous les échos des journaux boulevardiers de
toutes les capitales. Chez lui le poète est bien le reflet de l’homme.
Vous me voyez, ma sœur, l’âme tout éperdue,
Mais pourquoi fûtes-vous si longtemps à venir ?
Car je vous ai longtemps, bien longtemps, attendue.
Bien des soirs, trop de soirs, j’ai fixé l’avenir,
Comme un bel horizon où fleurira l’aurore ;
Vous n’aurez de mes lys qu’un plaintif souvenir.
Ce sont des jours lointains qui les virent éclore,
Ces lys fanés en moi, que vous auriez cueillis ;
Mais je vous donne un cœur qu’ils parfument encore !
Ma sœur, pure aujourd’hui comme l’étaient mes lys,
Que vous arrivez tard, douce enfant désirée !
La robe nuptiale a perdu ses grands plis,
Hélas ! et la voici flétrie et déchirée ;
J’ai si souvent étreint, pour tromper mon ennui.
La vaine vision qu’évoquait la vesprée[2] .
Ah ! c’est tard, c’est trop tard, que votre aurore a lui,
Et ce jour juvénile éclaire des ruines.
Vous voyez, cependant, si j’en suis ébloui !
Vos séraphins, mon Dieu, n’ont pas dans leurs poitrines,
Ce sang qui me fait mal, ce sang qui bat trop fort,
Et vous leur accordez des faveurs moins divines !