Page:Sensine - Chrestomathie Poètes, Payot, 1914.djvu/601

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
579
valère gille


Pour la chère patrie unissant son effort,
Il offre sa jeunesse et sa volonté libre ;
En lui tout est vigueur, harmonie, équilibre :
Il poursuit son destin, calme, paisible et fort.

Sur les monts radieux, dans les fraîches vallées,
Dans la verte clairière il dresse ses autels,
Et ses chants en l’honneur des divins Immortels
Réveillent les échos des forêts étoilées.

Et dans les lumineux jardins de son esprit,
Le soleil fait fleurir d’adorables légendes
Qu’avec ferveur il tresse en légères guirlandes
Sur le front rayonnant du dieu qui lui sourit.

Mais, d’un grand cri parfois arrêtant la Victoire[1]
Qui passe, aile éployée et pleine de rayons,
Il la force à descendre au sein des bataillons
Et lui sculpte du glaive un piédestal de gloire.

Et si la Paix[2] alors lui verse son trésor,
Ayant posé la main sur son cœur pacifique,
Couronné d’olivier, revêtant la tunique
Qu’attache sur l’épaule une cigale d’or,

Il va, dans le lycée[3] à l’ombre du platane,
Recueillir le discours de ses sages vieillards,
Tandis qu’en s’ébattant les oiseaux babillards
Chantent dans le feuillage ardent et diaphane.

La fontaine languit et retient ses sanglots ;
Partout, autour de lui, les collines sublimes,
Les ondulations caressantes des cimes
Et partout le sourire innombrable des flots.

Là-bas, il voit, à l’heure où brillent les Pléiades[4]
Contre un fût de colonne, en son rêve absorbé,

  1. Divinité allégorique que les artistes grecs représentaient généralement avec des ailes, tenant d’une main une couronne de laurier, de l’autre une palme.
  2. Divinité allégorique, fille de Zeus et de Thémis ; elle était représentée sous les traits d’une femme à la physionomie bienveillante, tenant une corne d’abondance et une branche d’olivier.
  3. Nom d’un quartier d’Athènes où se trouvait l’école d’Aristote et, par extension, l’école de ce dernier.
  4. Les sept filles d’Atlas et de Pléione, qui furent changées en étoiles parce que leur père avait voulu lire dans les secrets des dieux.