Page:Sensine - Chrestomathie Poètes, Payot, 1914.djvu/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Œuvres à lire de Chénedollé : Le Génie de l’homme (1807) ; Les Études poétiques (1820). — Pour l’étudier, consulter : Sainte-Beuve, Chateaubriand et son groupe littéraire sous l’Empire ; Gustave Merlet, Tableau de la littérature française (1800-1815) ; F. Brunetière, Études critiques, Ier série (1888) ; G. Pellissier, Le mouvement littéraire au XIXe siècle (1898).




Né à Château-Gontier en 1791, mort à Paris en 1820.


Élégiaque chrétien, tendre et sentimental, il marque la transition entre Millevoye et Lamartine. Sa courte vie fut une lutte mélancolique contre la mort : comme l’auteur des Élégies, il mourut, lui aussi, poitrinaire et se sentit mourir. Sa poésie, déjà toute romantique par les sentiments, est absolument sincère. Lorsqu’il parle de ses douleurs, ce n’est pas, comme tant de poètes de l’âge suivant, par mode littéraire ou par suggestion livresque. Il voyait venir le « noir séraphin », en écrivant ses plaintives rêveries. Son style, délicat et pur, a parfois la suavité des strophes lamartiniennes.


Le lit de mort[1]


Cessez de me flatter d’une espérance vaine ;
Cessez, ô mes amis, de me cacher vos pleurs.
La sentence est portée ; oui, ma mort est certaine,
Et je ne vivrai plus bientôt que dans vos cœurs.

Pour la dernière fois, j’ai vu briller l’aurore ;
Pour la dernière fois, ce beau soleil m’a lui,
Votre ami, succombant au mal qui le dévore,
Sur le déclin du jour va s’éteindre avec lui.

Mais demain, quand, paré d’une splendeur nouvelle,
Le soleil triomphant rentrera dans les cieux,
Votre ami dormira dans la nuit éternelle,
Et l’éclat du matin n’ouvrira plus ses yeux.

Déjà tout s’obscurcit, tout s’efface à ma vue.
Tout m’échappe, entraîné par d’invisibles mains,
Et seule s’offre à moi cette route inconnue
Dont le terme se cache au regard des humains.

Eh bien, ces noirs sentiers, ces régions obscures,
Cette nuit du trépas n’étonnent point mon cœur.
Vers le Dieu qui m’attend je lève des mains pures
Ennemi du méchant, il est mon protecteur.

  1. Extrait des Épîtres et Élégies (1819). Malade et se sachant condamné, le poète écrivit ces vers touchants, comme un adieu qu’il pensait définitif.