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consacrée aux textes religieux des hymnes védiques ; elle y a précédé toute application, au moins toute application un peu générale, de l’écriture. C’est ainsi que le sanscrit classique, subissant l’influence de cette élaboration antérieure et des habitudes d’esprit qui s’y rattachaient, a pu lui-même être en partie une langue artificielle et savante, avec une orthographe dominée par la préoccupation constante de la conséquence et de l’exactitude étymologique. Quoi qu’il en soit, fondée sur une grammaire reconnue, arrêtée dans des règles immuables, la langue classique, instrument d’influence pour la caste brahmanique, a exercé sur le développement ultérieur des dialectes populaires et sur leur fixation scolastique une action décisive. Elle a servi à la fois de norme pour leur grammaire, de réserve pour leur vocabulaire. Partout dans l’Inde nous voyons, grâce à l’impulsion des brâhmanes, régner des langues littéraires, artificiellement mais profondément imprégnées d’éléments sanscrits. Dans des dialectes aryens modernes qui n’ont pas subi de régularisation grammaticale, l’afflux des mots classiques repris à l’usage savant se manifeste dans l’orthographe sur une vaste échelle ; il pénètre dans l’usage courant ; il serait de nature, si on se laissait tromper aux apparences, à faire revendiquer pour ces dialectes, sous le point de vue phonétique, une fixité et un archaïsme qui ne leur appartiennent en aucune façon. Il faut, aux étapes antérieures de l’histoire de la langue, se garder d’une illusion non pas identique, mais au moins analogue.

Aussi bien dans les inscriptions de Piyadasi que, deux ou trois siècles plus tard, dans les inscriptions contemporaines de Kanishka, nous trouvons une langue essentiellement populaire représentée dans une orthographe semi-historique et semi-savante, rapprochée arbitrairement de l’étymologie et du sanscrit réputé correct. Des faits ultérieurs nous montreraient le même procédé appliqué dans une période suivante. Quand, dans les hypogées de la côte occidentale, des inscriptions évidemment contemporaines donnent côte à côte les orthographes bhadam̃ta, bhayam̃ta, bhaam̃ta, il est clair que les