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rectement d’une façon suivie dans la langue classique ? Évidemment non. Une pareille ignorance, en soi parfaitement invraisemblable, le serait particulièrement dans cette région nord-ouest de l’Inde où la grammaire a été cultivée plus tôt et avec plus de succès qu’ailleurs. Elle est démentie par le grand nombre de formes correctes associées à des orthographes populaires. Quand, à Mathurâ, le lapicide écrit bhikshusya, ce n’est pas qu’il ne connaisse la forme correcte bhikshoḥ, puisqu’il l’emploie dans des inscriptions voisines. La véritable explication est bien plutôt inverse ; c’est celle à laquelle nous préparent les faits relevés dans les inscriptions de Piyadasi, celle que confirmeraient au besoin des faits empruntés aux périodes suivantes de l’épigraphie indienne. Loin d’attribuer les prâcritismes à l’ignorance des graveurs, c’est à leurs connaissances étymologiques, à leurs notions de la langue savante, à leur désir de s’en rapprocher, qu’il faut faire honneur des orthographes sanscrites qu’ils ont plus ou moins prodiguées. Nous avons dans ces monuments une preuve nouvelle de l’emploi étendu d’une orthographe non pas représentative, mais historique, moins accommodée à la prononciation réelle que calquée sur les habitudes et les traditions de l’idiome classique.

D’une façon générale, le fait n’a rien que de très naturel. Que l’on pense un instant à l’influence qu’exerce forcément sur nous le souvenir toujours présent de la langue littéraire, de son orthographe et de ses étymologies, quand, par exemple, nous voulons noter un patois. Je fais ici abstraction de l’action directe qui a pu se produire de la langue savante sur le patois lui-même ; il est bien évident que notre notation serait fort différente, si notre oreille n’était, dans une foule de cas, guidée par l’analogie de la prononciation et de la notation classiques. Mais les conditions sont dans l’Inde très particulières ; elles fournissent à l’explication des faits de cette nature une base bien plus large que partout ailleurs.

Une culture grammaticale raffinée y a été de bonne heure